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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


La fatalité de la violence

Publié par JoSeseSeko sur 3 Juillet 2023, 10:45am

Catégories : #Fait Divers, #Europe, #France, #Police, #Racisme, #Médias, #Économie, #Histoire, #Capitalisme

Photo: JoSeseSeko

Photo: JoSeseSeko

Les révoltes consécutives à la mort de Nahel Merzouk dans plusieurs villes soulignent à quel le rapport à la violence est assez hypocrite en France, dans le temps et dans l'espace, en lien avec le fait qu'il y ait une crainte de perdre davantage que de gagner dans une lutte.

Est-on passé du stade de la justice au stade de la vengeance? Voilà une question qui mérite d'être posée au vu des soirées de révolte sur la fin du mois de juin et le début du mois de juillet, après la mort de Nahel Merzouk, âgé de 17 ans, à Nanterre le 27 juin, à la suite d'un contrôle policier sur la route. Et si on estime que c'est la vengeance qui prime chez les révoltés, y compris les plus jeunes, cette vengeance rend aveugle, tant elle pousse à de la destruction tous azimuts, aux yeux de plusieurs observateurs, ou bien à menacer physiquement des personnes n'ayant pas de lien avec la raison de ces révoltes. Comme par exemple la famille du maire de L'Haÿ-les-Roses attaquée dans son domicile par une voiture-bélier dans la nuit du 1er au 2 juillet (cf lien n°1).

Patrimoine du pauvre

Ce qui sidère nombre de personnes suivant de près ou de loin les événements en cours, c'est le fait de voir des groupes d'adolescents ou de jeunes adultes se mettre à casser de tout, et surtout dans les quartiers même où ils vivent avec leurs proches. C'est-à-dire des commerces de proximité (magasins alimentaires, restaurants, agences bancaires, pharmacies), des voitures de personnes qu'ils connaissent (peut-être), voire des services publics (transports en commun, écoles, bibliothèques, etc.). Dans ce dernier cas, c'est finalement agir comme le fait le pouvoir et sa ligne libérale dans la mesure où il s'applique à rapetisser la place des services publics (éducation, transport, courrier postal, santé, etc.) via la libéralisation ou bien la privatisation, les incendies en moins.

Mais l'effet reste le même. À savoir réduire "le patrimoine de ceux qui n'en ont pas" selon la formule de Jean Jaurès. Or, comme la crise sanitaire l'a démontré, ce "patrimoine du pauvre" selon l'économiste (hétérodoxe) Thomas Porcher est utile pour lutter contre les inégalités inhérentes au mode de production capitaliste et amortir un choc économique d'une telle ampleur. En tout cas, les casses et incendies constatés ces derniers jours permettent de souligner combien le concept de "destruction créatrice", développé par l'économiste Joseph Aloïs Schumpeter et défendu par des tenants du capitalisme, a du plomb dans l'aile et qu'il pose une contradiction fondamentale du capitalisme, à savoir pousser dans la destruction des rapports entre les hommes et entre l'homme et son environnement pour un profit capté par une classe (bourgeoisie) démographiquement peu nombreuse mais bien puissante, comme le soulignent les socialistes, les communistes, les anarchistes, depuis le 19e siècle.

Une tradition de la violence

En parallèle, ce qui suscite la colère, c'est de voir combien cette classe, à travers les mass media qu'elle possède, pousse à de la sympathie pour le policier auteur du tir mortel. La meilleure preuve étant que la cagnotte en ligne organisée par un politicien d'extrême-droite (Jean Messiha) pour soutenir le policier et sa famille a dépassé les 800.000 euros, ce lundi 3 juillet (cf lien n°2). Et vu le rythme, il ne serait pas étonnant que la barre du million d'euros soit franchie. C'est un signal de promotion du crime policier et du racisme institutionnel, avec un gouvernement qui laisse faire. Après tout, en 2019, il avait fait supprimer une cagnotte en ligne de soutien au boxeur Christophe Dettinger qui avait boxé deux gendarmes à Paris, lors d'un des samedis de manifestation des Gilets jaunes.

En dehors de cette parenthèse, il est bon de développer ce que je considère comme une hypocrisie française sur la question de la violence. Actuellement, beaucoup s'offusquent - avec des raisons valables - sur les casses de ces derniers jours. Mais ne glorifient-ils pas, y compris en ayant des idées de droite, la Révolution française, qui fut marquée par des étapes de violence et que certaines d'entre elles furent décisives, telles le 14 juillet 1789 (prise de la Bastille), le 10 août 1792 (assaut des Tuileries), les 31 mai et 2 juin 1793 (expulsion des Girondins), le 27 juillet 1794 (chute de Robespierre)? Sans oublier d'autres faits de violence marquants pour l'époque comme l'assassinat du maire d'Étampes Jacques Simoneau par des manifestants le 3 mars 1792 en raison du prix du pain; ou bien la révolte des esclaves de Saint-Domingue (actuel Haïti) le 23 août 1791, incitant progressivement les révolutionnaires à devoir abolir l'esclavage (4 février 1794), constatant l'efficacité et la violence de la révolte des ex-esclaves.

N'a-t-on pas vu des personnes saluer les mouvements appelant à la justice pour George Floyd, après avoir été tué par le policier Derek Chauvin, fin mai 2020 à Minneapolis (États-Unis), alors qu'il y eut également de la violence, des incendies? Et plus loin dans le temps, certains étaient ulcérés des incendies provoqués par les communards lors de la Semaine sanglante, fin mai 1871, alors qu'ils eurent dans leurs études les enseignements de résistance "héroïque" de Carthage, de Saragosse en flammes, comme l'écrivait Jules Vallès dans son roman l'Insurgé, ajoutant du reste le souvenir d'un ancien soldat de la campagne de Russie levant "son chapeau chaque fois qu’il parlait du Kremlin, que ces mâtins de Russes avaient allumé comme un punch" en évoquant l'incendie de Moscou par les habitants eux-mêmes en septembre 1812.

En vérité, ce n'est pas la violence en soi qui pose problème. C'est l'orientation qu'elle prend et le risque d'y être directement exposé qui peut mener à une révulsion. Ce qui pousse à mobiliser Frantz Fanon car dans son essai les Damnés de la Terre, il souligne combien la violence des exploités est une fatalité en raison de la violence des exploiteurs, notamment dans le contexte colonial dans lequel Fanon a écrit ce livre, mais il n'en est pas l'apôtre de la violence et estime, selon une biographie parue cette année (cf lien n°3), la violence des dominés doit être proportionnée pour garder un objectif émancipateur et éviter une spirale de la vengeance, qui conduit à une logique réactionnaire au bout du compte.

Pour conclure, la violence matérielle exprimée ces derniers jours en banlieue est en réaction à une violence institutionnelle qui fait appel à la violence policière pour tuer la première et légitimer la seconde, pour faire écho à la réflexion portée par l'évêque brésilien Hélder Câmara.

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