La primaire "de la gauche" a sa liste officielle de candidats depuis le samedi 17 décembre. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne sent pas la rose et que certains candidats n'ont pas été autorisés à y participer au final, prouvant combien le Parti socialiste verrouille l'accès par hypocrisie.
Après la foire automnale qu'était la primaire "de la droite et du centre", voici le festival hivernal communément appelé primaire "de la gauche". Comme à droite, ils sont sept candidats. Comme à droite, une seule femme est présente dans cette primaire - Sylvia Pinel -, face à six hommes (Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Vincent Peillon, François de Rugy, Jean-Luc Bennahmias). Il y aurait pu en avoir une deuxième femme candidate si Marie-Noëlle Lienemann ne s'était pas retirée. Voilà pour les ressemblances entre ces deux blocs dominants de l'échiquier politique français sous la Ve République.
Une fracture apparente
Maintenant, quelles sont les lignes politiques en présence? Le social-libéralisme, qui est le socle de l'aile droite du PS, avec Valls en tête de gondole. L'ancien Premier ministre est un symbole de la droitisation du parti ces dernières années, en héritage de Michel Rocard et de ses contradictions, faisant imprégner la matrice (sociale-)libérale dans les têtes, avec Emmanuel Macron, son ancien ministre de l'économie et désormais rival éloigné puisque ce dernier ne souhaite pas être dans la primaire, malgré la drague du PS. L'interventionnisme à la sauce keynésienne fait sens dans l'aile gauche du PS, représentée par Montebourg et Hamon, avec des nuances. Quand Montebourg insiste sur le protectionnisme et la remise en question des traités européens, Hamon met en avant le projet de revenu universel. Du côté de Peillon, ça va être la logique de la "synthèse", chère au président François Hollande pour espérer marquer des points. On attend de voir son programme. Enfin, la dose écolo avec de Rugy et Bennahmias, qui peuvent être considérés, tout comme la radicale de gauche Pinel, comme des faire-valoir de ce qui est "un congrès du PS" aux yeux de Macron et d'autres observateurs.
Mais n'est-ce pas un jeu de dupes auquel nous avons affaire là? Après tout, la majorité des candidats (sauf de Rugy et Bennahmias) étaient ministres ou Premier ministre durant ces quatre dernières années. De même que certains se sont coalisés dans le gouvernement avant de se déchirer. Par exemple, Montebourg et Hamon ont soutenu Valls pour qu'il soit nommé Premier ministre à l'issue de la défaite du PS aux élections municipales de mars 2014, avant que ce dernier ne les vire à l'été 2014. Puis l'aile gauche du PS représentée ainsi n'a pas l'air si volontaire à l'idée de faire une rupture avec le capitalisme, contrairement à ce qu'elle put être dans les années 1970, 1980 ou 1990, autour de Jean-Pierre Chevènement, de Jean Poperen par exemple.
Un entre-soi thermidorien menacé
D'ailleurs, deux personnes ayant voulu participer à cette valse pour se faire entendre ont été mis de côté par le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Il s'agit de Gérard Filoche et de Bastien Faudot. Le premier est membre de l'aile gauche du PS et a gardé dans son esprit l'idée du socialisme qu'est de lancer une alternative au mode de production capitaliste, à travers la réappropriation des travailleurs de leur lieu de travail, la défense d'une réduction de ce temps de travail pour améliorer son accès à tous les citoyens. Bref, d'aller vers une émancipation de la classe laborieuse. Quant au second, c'est le représentant du Mouvement républicain et citoyen (MRC), fondé par Chevènement dans les années 2000, voulant apporter la question de la souveraineté, du souverainisme dans la primaire. Mais il s'est déclaré en campagne depuis février, et dans un premier temps, l'idée de faire sans la primaire, égratignant le pouvoir par ailleurs. C'est un signe de la dépendance du MRC à l'égard du PS, qui est continuelle depuis ses débuts car Chevènement annonçait en 2007 et en 2012 sa candidature pour au final négocier des sièges pour un parti qu'il a quitté courant 2015.
En tout cas, ces refus de la part de la direction du PS montrent bien qu'il y a un entre-soi menacé. Pourquoi? Par son orientation politique. Le PS est un parti thermidorien. Ce qui oblige à rappeler ce qu'est Thermidor. D'abord, c'est un mois estival du calendrier républicain et on l'emploie encore pour parler du 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), jour d'un Coup d'État contre Maximilien Robespierre qui fonctionna. Et les thermidoriens, ceux qui envoyèrent Robespierre et d'autres jacobins à la guillotine, montraient en apparence des différences - Lazare Carnot n'avait pas à 100% les mêmes idées qu'un Jean-Marie Collot d'Herbois par exemple -, mais avaient une convergence de vue. D'abord, mettre le peuple au silence. Ensuite, torpiller tout dirigisme étatique vu comme une menace pour les affairistes. Enfin, discuter du sociétal pour masquer le social. On retrouve cette même veine avec le PS et ses alliés aujourd'hui. Le peuple devient silencieux car il fuit les urnes, illustrant le "cens caché" du vote. L'État est vu comme un monstre qui tue à petit feu l'économie, alors que le secteur privé tient à disposer de l'argent public pour s'engraisser ou s'en sortir (profit privé, perte publique). Enfin, ça insiste sur le sociétal avec le mariage pour tous en 2013 ou les polémiques sur l'islam ou les Français non-blancs comme durant l'été 2016 et le burkini par exemple, pour mieux évacuer la question du chômage de masse, l'explosion des inégalités, la méfiance accrue envers une Union européenne libérale, etc.
Pour finir, cet entre-soi thermidorien est menacé par sa droite avec Macron, et par sa gauche avec Jean-Luc Mélenchon. Le risque d'une perte de l'hégémonie du PS à gauche illustrerait la pasokisation de ce parti, comme d'autres de ses semblables en Europe.
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