Les discussions vont bon train autour du journaliste sportif suite au documentaire de la journaliste Marie Portolano illustrant les multiples agressions sexuelles dans le journalisme sportif, dont celles de Ménès envers plusieurs de ses collègues, dont Portolano elle-même. Mais il n'est pas le seul à poser problème et à illustrer un rapport d'exploitation dans le secteur de la presse, et déclinable sur d'autres sujets et d'autres secteurs économiques.
Si le documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste! de Marie Portolano a une vertu, c'est d'exposer le rapport d'exploitation dans le journalisme sportif et un sentiment d'impunité profondément ancré dans de grosses rédactions, où certains peuvent tout se permettre. D'ailleurs, l'exemple qui est le plus ressorti de ce documentaire est celui du journaliste sportif Pierre Ménès, qui a agressé plusieurs de ses collègues féminines, dont Portolano elle-même en 2016 en soulevant sa juge hors antenne et devant le public de l'émission Canal Football Club, émission phare sur Canal+, pour ensuite lui taper sur les fesses. Ce à quoi la journaliste a répliqué avec un poing dans la gueule de son agresseur de confrère. Mais lors de la diffusion sur Canal+, dimanche 21 mars, certaines scènes du documentaire ont été censurées par la chaîne cryptée (cf lien n°1).
Bolloréland
Ce n'est pas une nouveauté que du côté de Canal+, la censure se fasse au grand jour. Depuis que Vincent Bolloré en a pris le contrôle effectif, en 2015. Par exemple, l'émission Les Guignols de l'info a été détricotée dès l'été 2015 par la volonté de Bolloré lui-même, à défaut de pouvoir la supprimer, pour pouvoir finalement la vider de sa substance humoristique et la clôturer en juin 2018. Le service d'investigation de Canal+ a été remanié, de peur que certains journalistes, prenant au sérieux leur métier et tenant à rester loyaux envers eux-mêmes (au moins), se mettent à enquêter ou à relayer des enquêtes faites sur le grand patron, notamment sur ses affaires dans plusieurs pays africains, devenant le nouveau symbole de la Françafrique. Enfin, plus récemment, l'humoriste Sébastien Thoen, présentateur du Journal du hard, a été brusquement viré en raison d'un sketch parodiant l'émission L'heure des pros, sur la chaîne CNews, filiale info en continu de Canal+, et que Stéphane Guy, commentateur sportif des matchs de foot de Canal+ a été lui aussi viré pour avoir affiché son soutien à Thoen.
Voilà comment ça se passe à Bolloréland. Les journalistes doivent marcher au pas et que s'il y a une tête qui dépasse, qui ne rentre pas totalement dans le rang, un envoi chez Pôle emploi est privilégié.
Pour en revenir à Pierre Ménès, au niveau professionnel, il n'est guère rigoureux, voire bien incompétent. En attestent ses réflexions avant le match retour Paris Saint-Germain-Manchester United lors du 1/8e de finale retour de la Ligue des champions en 2019, où il se gaussait des esprits évoquant la remontada de 2017 subie par le PSG face au FC Barcelone. Et le fait qu'il vente son image auprès d'une société de paris en ligne devrait également le faire virer vu qu'il fait un ménage dans le jargon journalistique. Et les agressions sexuelles de sa part, documentées par Portolano, ne devraient que le faire envoyer à Pôle emploi si on était dans une entreprise normale et dans un pays soucieux de l'égalité femmes-hommes.
Mais on est sur Canal+ et en France! Donc, il faut prendre en considération un rapport social de domination qui permet à Ménès, journaliste masculin, de se sentir au-dessus d'une consœur, même si cette dernière est plus compétente que lui. Et on peut ajouter la dimension pigmentaire (ou raciale, c'est selon), vu qu'il fustigeait les critiques de Lilian Thuram sur le racisme institutionnel en 2019 en ressortant le coup du racisme anti-blanc en prenant l'exemple de son fils écarté dans son équipe amateur de foot car il serait juste blanc, alors que Ménès avoue lui-même que son fils est mauvais dans ce sport.
Cependant, on aura tort de se concentrer uniquement sur le cas de Ménès. Le documentaire apporte plusieurs témoignages d'autres journalistes sportives, dont celui de Clémentine Sarlat. Cette dernière, spécialisée notamment dans le rugby, a quitté France Télévisions pour TF1 en raison de l'ambiance sexiste très pesante au service des sports de France Télévisions, conduisant par ailleurs le groupe audiovisuel public à mener une enquête interne aboutissant à trois licenciements et un blâme au service des sports en août 2020 (cf liens n°2, n°3, n°4). Ce qui permet de dire combien le sexisme n'est pas un phénomène isolé. Il s'inscrit pleinement, tout comme le racisme, dans la structuration sociale du capitalisme et est, de fait, un rapport social de domination inclus dans la lutte des classes.
Mais ça, bien des critiques orthodoxes du capitalisme ont du mal à le comprendre et bégaient face à ces luttes qu'ils considèrent comme un moyen de diviser la lutte des classes, d'autant plus s'il y a des réunions faites en non-mixité. Mais ceci est une autre histoire.
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