En sortant en tête au premier tour, avec plus de 35% des voix, Benoît Hamon semble surprendre certains observateurs, qui imaginaient plutôt Arnaud Montebourg à sa place, malgré la dynamique pourtant analysée de l'ancien ministre de l'Éducation nationale. Ce qui met Manuel Valls dans une position bien délicate pour espérer représenter un Parti socialiste et ses alliés à l'élection présidentielle.
Le premier tour de la primaire des thermidoriens a livré son verdict et c'est Benoît Hamon qui caracole en tête. Le député des Yvelines, ancien ministre de l'Éducation nationale a récolté 36,4% des voix, devant Manuel Valls, qui recueille 31,1% des voix, selon les données collectées par les organisateurs de la primaire de la "belle alliance populaire" (cf lien n°1). Ce qui procure une avance non négligeable pour ce membre de l'aile gauche du Parti socialiste, mais bien moindre que celle qu'eut François Fillon au premier tour de la primaire de la droite face à Alain Juppé, en novembre 2016. Néanmoins, la participation serait d'environ 1,4 million de citoyens. Soit plus de deux fois moins que lors de la primaire de la droite, rassemblant entre 4 et 4,2 millions de personnes, et même moins que lors de la primaire socialiste de 2011, ayant permis à François Hollande de sortir vainqueur et d'avoir une dynamique qui l'a portée vers l'Élysée en mai 2012.
Le choix de la conviction
Mais à l'instar de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, Hamon a mené son jeu depuis un moment - candidat depuis août 2016 -. Mais surtout, il joue la carte de la conviction à fond, afin de convaincre l'électorat de gauche de venir le soutenir durant cette primaire. Et chez le député des Yvelines, ça consiste à marteler une mesure phare qu'est le revenu universel. Il en fixe le niveau à 750 euros par mois et serait exigible à tous. Néanmoins, au fil des mois, un certain flou s'opère autour de cette idée qui est un point cardinal dans sa politique économique et sociale, relevé par différents observateurs (cf lien n°2).
En fait, ce projet qui semble lui tenir à cœur s'est vu attaqué par ses camarades-adversaires de la primaire, notamment Arnaud Montebourg, qui craint que ça incite encore moins à réduire le chômage, ou que les penseurs libéraux - pas forcément contre le principe de revenu universel - jugent qu'il serait trop coûteux pour l'économie française (environ 400 milliards d'euros). Enfin, il y a des critiques à la gauche du PS qui voient cette idée comme un moyen de faire perdurer le capitalisme et que c'est une proposition capitaliste que porte Hamon (cf lien n°3).
Valls en danger
S'il y en a un qui tire la gueule, c'est Manuel Valls. L'ancien Premier ministre, qui s'est lancé dans la course début décembre, quelques jours après le renoncement de François Hollande à tenter une réélection, est en position délicate. À l'instar d'un autre ancien Premier ministre (Alain Juppé), il se retrouve dans la peau du favori que les électeurs veulent envoyer à l'abattoir, se faire trucider au su et aux yeux de tous. Après un début de campagne schizophrène, avec comme exemple la proposition de suppression de l'article 49.3 de la Constitution - foutage de gueule vu qu'il s'en n'est pas privé au sujet de la loi travail en 2016 -, Valls a repris les accents sociaux-libéraux, ainsi que sa condescendance fraternaliste à l'égard des minorités, qui sont connus des observateurs et des citoyens. Et comme il assure sa présence au second tour, certains citoyens de gauche seront tentés de lui faire barrage, comme Nicolas Sarkozy en novembre 2016. Et ainsi, le fossoyeur de la gauche se retrouverait obligé de creuser sa propre tombe politique.
Montebourg, le faiseur de roi
Comme en 2011, le troisième homme est Arnaud Montebourg. Et comme en 2011, il fait un score honorable (17,5%), ce qui lui permet de jouer le faiseur de roi. En conférence de presse, il confesse sa défaite et appelle ceux qui l'ont soutenu à se rallier auprès de Benoît Hamon. Ce qui est somme toute assez logique car d'une part, Hamon est sorti en tête au premier tour, comme Hollande en 2011. Et d'autre part, Montebourg et Hamon ont une certaine convergence fondamentale en raison de leur départ commun du gouvernement en août 2014, afin de refuser les politiques d'austérité que proposaient Hollande et Valls à ce moment-là, plus une critique régulière de l'Union européenne, telle qu'elle s'exprime depuis plusieurs années. Et ce, en dépit des tacles de la part de Montebourg sur Hamon durant cette primaire. En tout cas, mathématiquement, l'apport de Montebourg permettrait à Hamon de gagner la primaire.
Quadrature du cercle
Maintenant, est-ce que le PS et ses alliés en sortira renforcé de cette primaire? Rien n'est certain de côté-là. Au contraire, c'est la menace de division qui est agitée. Pourtant, d'un certain point de vue, la fracture qui est présentée entre les deux personnages est apparente car il s'agit de deux politiciens inscrits dans une tradition thermidorienne au sein du PS, où le sociétal l'emporte sur le social, où les bisbilles correspondent à des luttes de places, mais où surtout des accords restent possibles. Tels Jacques-Nicolas Billaud-Varenne et Louis-Marie Fréron durant la Convention thermidorienne, Benoît Hamon et Manuel Valls ne se sont-ils pas entendus pour que le premier aide le second à s'installer à Matignon en avril 2014?
Seulement, cette logique ne peut pas marcher à tous les coups et se heurte à la quadrature du cercle. Surtout si elle comporte deux feux que sont Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Bien que ces deux personnages soient vus comme clivants et qu'ils aient un passé de militant socialiste, ils attirent l'attention de cadres, d'élus socialistes (surtout pour Macron), ou de simples militants (surtout pour Mélenchon). Jusqu'à présent, ces deux candidats prennent en tenaille le PS, qui craint de perdre son hégémonie à gauche, confirmant une tendance lourde de réduction des partis socialistes ou sociaux-démocrates, en raison de leur mariage ruineux avec le social-libéralisme. Alors bien sûr, les pro-Valls crient que c'est Hamon qui provoquera la perte de la gauche s'il sort vainqueur.
"Si Hamon gagne la #PrimaireGauche, c'est la mort totale du PS", estimait @marieannesoubre lundi aux @GG_RMChttps://t.co/SofazT77S1 pic.twitter.com/hOhQf9BL2S
— RMC (@RMCinfo) 22 janvier 2017
Les pro-Hamon en feront de même. Et même si certains sympathisants de gauche estiment qu'il faut un rapprochement avec les candidats hors primaire, ça montre combien l'heure de la recomposition de la gauche française, qui s'est laissée engluer dans un flou intellectuel ces dernières années, a sonné!
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