L'idée de primaire pour un candidat (unique) de la gauche pour l'élection présidentielle de 2017 semble convaincre de plus en plus de personnes dans les partis politiques, mais est-elle la stratégie gagnante pour porter des idées de fond qui divergent de la droite?
Un des aspects désormais les plus visibles de l'américanisation de la vie politique française est la promotion des primaires. Dans l'optique de l'élection présidentielle de 2017, les camps politiques français ont l'air décidé de préparer le terrain, en le déminant au maximum. À droite, l'ex-UMP, devenue Les Républicains, organise ses premières primaires, prévues pour la fin novembre, avec un duel attendu entre Alain Juppé, ancien Premier ministre, et Nicolas Sarkozy, ancien président de la République. En dépit des autres candidats, déclarés ou non (Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Frédéric Lefebvre, etc.).
Élargir au maximum
La primaire séduit depuis quelques semaines. Dans le journal Libération, une tribune signée entre autres par l'économiste Thomas Piketty, le politicien Daniel Cohn-Bendit, la sociologue Dominique Méda, le démographe Hervé Le Bras ou l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot (cf lien n°1), appelle à cette primaire en raison du blocage su système politique française et de la défiance, justifiée et raisonnée, de bon nombre de citoyens envers la classe politique hexagonale. D'ailleurs, ces signataires ont mobilisé les moyens technologiques (site Internet, réseaux sociaux), pour essayer d'inciter à suivre cette démarche.
Du coup, au Parti socialiste (PS), l'idée de faire une primaire "citoyenne" comme celle de 2011, qui a aidé à la victoire de François Hollande en mai 2012, germe dans les esprits depuis un moment. Ce qui irrite l'actuel président car malgré ses propos sur le chômage en le liant à son sort présidentiel, il semble acquis pour certains observateurs que Hollande ne voudra pas lâcher l’Élysée en 2017 et tient à une réélection. Mais l'aile gauche ne l'entend pas de cette oreille et compte bien contribuer à la primaire, qui soit élargie pour toucher l'ensemble de la gauche française ("de Hollande à Mélenchon" selon la formule utilisée par Christian Paul, un des députés "frondeurs" du PS), ce qui semble avoir l'aval de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, pourtant légitimiste et soutien (intéressé) de Hollande (cf liens n°2 et 3).
Appels du pied
La dynamique étant lancée, reste à savoir qui se portera candidat à cette primaire élargie. Et dernièrement, des noms comme Nicolas Hulot ou Piketty sont évoqués pour être parmi les candidats à la primaire. Est-ce que les intéressés seraient tentés de rentrer dans l'arène et de lutter face à des politiciens professionnels? Si on essaye de se mettre à la place de Hulot, mieux vaut tapir dans l'ombre, jouer le conseiller discret, en espérant être ainsi efficace pour le pays, plutôt de retourner dans une campagne où tous les coups sont permis. Et avec le souvenir amer de la primaire chez Europe écologie-les Verts (EELV) en 2011, il n'y a pas de quoi être fortement incité. Pour Piketty, ce serait un beau challenge. Vu son succès planétaire avec son livre, Le Capital au XXIe siècle - plus d'1,5 million d'exemplaires -, il peut utiliser sa notoriété au service du pays, d'autant plus qu'il a joué ces derniers mois le rôle de conseiller économique pour le parti de gauche radicale espagnol Podemos.
Parmi les politiciens connus depuis quelques années, on peut considérer que l'écologiste Cécile Duflot fera partie de cette primaire, tout comme Christiane Taubira. Fraîchement partie du gouvernement, l'ancienne Garde des Sceaux pourrait trouver une occasion supplémentaire pour régler ses comptes avec le président et son Premier ministre, Manuel Valls.
Débat à prévoir au Front de gauche
En-dehors d'EELV, le Front de gauche (FG) est invité à participer à cette primaire, qui semble se dessiner au fil des jours. Par la voix de son leader, Pierre Laurent, le Parti communiste (PC) laisse la porte ouverte à cette initiative vue comme bienvenue pour une gauche française encore abasourdie par une année 2015 cauchemardesque pour elle. Ce son de cloche est partagé par Ensemble!, une autre composante du FG, et la conseillère régionale Clémentine Autain, qui dans une tribune (cf lien n°4), insiste sur ce qui "unit" la gauche dans ses principes, ses idées de fond, ses aspirations, et qu'il faut s'en servir face à un système polarisé "à droite toute".
Mais il y a un os, c'est Jean-Luc Mélenchon. Le cofondateur du Parti de gauche (PG), la troisième principale composante du Front de gauche, a de grosses réserves sur la question des primaires à gauche, sous-entendant qu'il faudrait soutenir pour la présidentielle quelqu'un avec qui on s'écharpait sur le fond durant la primaire. Et si jamais Hollande se résout à jouer le jeu des primaires en y allant également, c'est niet pour l'eurodéputé car comme il le dit dans l'interview accordée au Journal du Dimanche (cf lien n°5):
- "Participer à une primaire que François Hollande pourrait gagner? Non. Pour une raison simple : je n'accepterai pas le résultat car je suis en désaccord total avec ce qu'il propose. De même une primaire de "toute la gauche" qui inclut des partisans des traités budgétaires européens ne peut pas me concerner. Par ailleurs, l'expérience montre que les exclus, les chômeurs, le peuple profond ne votent pas aux primaires. La primaire a de nombreux points communs avec le PMU : on vote pour le mieux placé, davantage sur des personnes que sur des idées. Hollande et Sarkozy comptent qu'il n'y ait pas de vrai deuxième tour grâce à la peur de Le Pen. Ils voudraient bien qu'il n'y ait pas de premier tour non plus grâce au "vote utile" dans les primaires…"
Les prochaines discussions au sein du FG promettent d'être tendues!
Le sacrement du "vote utile"
La phrase de Mélenchon, avec sa comparaison du PMU, est une remise en cause fondamentale du principe des primaires. Dans l'idée des promoteurs des primaires en France, c'est un moyen pour faire converger des idées et les faire porter par un seul candidat, plutôt que d'être disséminé par de multiples candidatures - le spectre de l'élection de 2002 hante toujours les esprits -. Mais est-ce le dit candidat élu par la primaire prendra en compte les idées de ses adversaires de la primaire? Il y a peu de chance. Aux États-Unis, où la mode des primaires est installée depuis longtemps, il serait étonnant de voir une Hillary Clinton, actuellement dans la bataille de la primaire démocrate face à Bernie Sanders, avoir un discours qui reprendrait les idées de gauche du sénateur du Vermont après la primaire. Autre reproche à faire aux primaires, c'est qu'elles font croire que ça va découler sur une participation élevée. Il faut dire qu'en 2012, le taux d'abstention à la présidentielle était inférieur à 20%, une exception pour une élection en France. Outre-Atlantique, c'est rare qu'une élection présidentielle attire plus de 60% des électeurs de nos jours. La première élection d'Obama a fait exception mais avec le temps, depuis les années 1960, le taux d'abstention a tendance à croître chez l'oncle Sam.
Désigner le candidat de toute la gauche à l'issue de la primaire doit permettre, a priori, de passer largement en tête au premier tour de l'élection présidentielle. Ce qui n'est pas évident. Puis pour espérer gagner, il faudrait aussi un report de voix favorable. Comment avoir un report de voix favorable s'il y a un seul candidat à gauche, et que l'extrême-gauche compte peu? Cela s'est vu en 1974, lorsque François Mitterrand fut candidat de "l'Union de la gauche" (PS-PC-MRG), ayant 43,3% des voix au premier tour, mais échouant avec 49,2% face à Valéry Giscard d'Estaing, au second tour. Enfin, ça suppose que le candidat soit capable de convaincre les abstentionnistes. Or, ces derniers ont plusieurs profils mais celui qui a pris le plus d'importance ces dernières années est celui du prolétaire français (souvent "non-blanc" ou "racisé"). Il n'est pas représenté, en réalité, sur la sphère politique et si on met l'accent sur la question de l'appartenance religieuse, tout en occultant l'articulation des luttes antiracistes et des luttes des classes, ce prolo non-blanc sera dénigré et par conséquent, peu incité à voter pour un camp dont il aurait une certaine proximité politique.
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