Avec près de 59% des voix, Benoît Hamon devient le candidat de la "belle alliance populaire" regroupant le Parti socialiste et ses alliés, devant Manuel Valls. Une victoire à la Pyrrhus tant les cadres du PS, Valls en tête, ne semblent pas prêts à vouloir aider leur "camarade" dans la campagne présidentielle.
Finalement, Benoît Hamon a transformé l'essai. En dépit de toutes les attaques lancées contre lui, notamment par Manuel Valls sur les questions de la laïcité, du rapport avec l'islam, avec des accusations de complaisance avec les musulmans, ce membre de l'aile gauche du Parti socialiste est sorti vainqueur de la primaire des thermidoriens du PS et de ses alliés, dimanche 29 janvier, confirmant son avance acquise lors du premier tour, le 22 janvier dernier, avec environ 59% des voix, contre 41% à Valls. Le tout avec une participation sensiblement à la hausse par rapport à la semaine précédente, signe que ça s'est mobilisé pour Hamon et que l'ancien Premier ministre est fortement détesté alors qu'il comptait sur une plus grande mobilisation pour espérer gagner. Cela dit, l'organisation n'a pas voulu annoncer de chiffre définitifs mais la barre du 1,5 million de voix a été franchie.
Sus au Hamon-bashing
Les électeurs qui se sont mobilisés ont envoyé un certain message. C'est sus au Hamon-bashing. Premièrement, à l'endroit de Valls, qui paie lourdement sa ligne sociale-libérale qui a discrédité le PS depuis 2012, à l'instar de nombreux partis socialistes ou sociaux-démocrates qui firent également ce mariage ruineux en Europe. Mais également sa tentative de déstabilisation, axée sur l'islam, illustrant en fait un laïcisme forcené, illégal selon la loi de séparation des Églises et de l'État et son article 31. Et deuxièmement, à destination des mass media, des éditorialistes, qui ont calomnié sans scrupule Hamon, faisant un parallèle avec Donald Trump (Franz-Olivier Giesbert), accusant le candidat d'être complaisant avec les Français de confession musulmane, notamment les plus radicaux d'entre eux (Caroline Fourest, Ruth Elkrief, etc.), depuis le 22 janvier. Bref, une démonstration en direct de ce qu'évoquait le film-documentaire Les nouveaux chiens de garde sorti en 2012. Du coup, pas de quoi s'étonner de l'état lamentable de la presse française ces dernières années en général, de la mauvaise image des journalistes français auprès des lecteurs, mais aussi une certaine schizophrénie de ce même lectorat, ne cherchant pas assez, ni ne mettant en valeur des médias plus ou moins alternatifs qui font correctement le travail de journaliste (Mediapart, Bastamag, Bondy Blog, Politis, Alternatives Économiques, La Tribune, L'Humanité, le Monde Diplomatique, Témoignage chrétien, etc.).
Victoire à la Pyrrhus
Cette victoire de Hamon peut être considérée comme une victoire à la Pyrrhus, dans la mesure où la grande majorité des cadres du PS s'est rangée derrière Valls, appliquant un feu nourri sur Hamon. Ce qui est semblable à ce que connaît Jeremy Corbyn, membre de l'aile gauche du Parti travailliste britannique, devenu leader en septembre 2015 et confirmé comme chef du principal parti d'opposition un an plus tard, malgré les manœuvres politiciennes des cadres et élus du Labour, majoritairement issus de l'aile droite. Et comme outre-Manche, l'aile droite du PS affirme que la victoire de Hamon condamne le parti à rester dans l'opposition à perpétuité, cette dernière cherchant à se dédouaner de toute responsabilité alors qu'elle est la cause principale, voire unique, de ce risque d'opposition à perpétuité. Et dire que justement, au Royaume-Uni, le Labour enregistre un nombre record d'adhésions depuis l'élection de Corbyn à sa tête, signe que le militantisme politique a encore une raison d'être.
Ce qui peut rendre la victoire du député des Yvelines précaire, c'est, d'un côté, la tentation des cadres du PS d'aller soutenir Emmanuel Macron, dont ils semblent davantage épouser la ligne sociale-libérale. Ce qui n'est pas négligeable pour l'ancien ministre de l'Économie car cet afflux de dirigeants apporte des militants et des finances pour le mouvement En Marche que dirige Macron. Néanmoins, le chouchou des médias risque de sentir le poids de meneurs du PS, qui pourrait devenir un boulet pour lui, le transformant de facto en candidat PS bis, et en réalité, comme le candidat du bilan de François Hollande. Ce qui prouverait volontiers la supercherie intellectuelle de ce pseudo-candidat "anti-système" alors qu'il en est "le plus beau produit du système", selon l'économiste Alain Minc, qui le soutient. De l'autre côté, de nombreux observateurs se demandent si Hamon arrivera à se démarquer de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de la France Insoumise serait prêt à "prendre un café" avec Hamon mais n'entend pas céder sur son programme présidentiel par rapport à celui de Hamon, vu du côté des partisans de l'eurodéputé comme teinté de social-libéralisme. Bref, le PS reste malgré tout pris entre deux feux. Et si Hamon fait un mauvais score au premier tour de l'élection présidentielle (moins de 10%), il est certain que Valls et ses sbires en feront un argument de poids pour contrôler le PS, après les législatives de juin 2017.
Revenu universel équitable?
D'ailleurs, sur le programme de Benoît Hamon, une mesure phare a porté sa dynamique, à savoir le revenu universel. Certes, le sujet n'est pas nouveau dans les têtes - Thomas Paine, révolutionnaire anglais et député français à la Convention en théorisait le principe en 1795 -, mais Hamon en fait une proposition qui devient incontournable dans le débat public. Dans sa version, cela se ferait en plusieurs étapes. D'abord, une revalorisation du Revenu de solidarité active (RSA) de 10%, à hauteur de 600€. Puis à moyen terme, le revenu universel proprement dit, à 750€, pour tous les citoyens sans conditions de ressource. Ce qui signifie que même un Vincent Bolloré ou une Liliane Bettancourt toucher ce revenu. A priori, c'est quelque chose de peu équitable. Mais pour compenser et financer ce système, Hamon veut réformer les cotisations patronales pour qu'elle soient désormais sur la valeur ajoutée et non plus sur le travail, en raison de la robotisation de l'appareil productif. De même qu'il compte faire un impôt unique sur le patrimoine (fusion de l'ISF et de la taxe foncière), ainsi qu'un nouvel impôt sur le revenu fusionnant l'actuel impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée. Cette dernière proposition n'est pas nouvelle, car elle figurait déjà dans le programme de François Hollande en 2012 et ça a été abandonné, malgré l'illisibilité fiscale évidente en France.
Alter-européisme illusoire
Au niveau de l'Union européenne, le député des Yvelines poursuit une ligne alter-européiste bien rodée de la part de la gauche depuis quelques années. Refus de l'austérité, annulation des dettes publiques accumulées depuis 2008 et mutualisation des dettes publiques à l'avenir. C'est cohérent mais ça reste enfermé dans la quadrature du cercle européen qui veut que ces sujets sont balayés d'un revers de main par les dirigeants européens, l'Allemagne en tête, car ils tiennent le haut du pavé. La Grèce d'Aléxis Tsípras a montré en 2015 combien la logique de l'austérité est couplée avec l'euro de manière infernale, tuant toute pensée alternative dans le cadre des institutions européennes actuelles. Du coup, faut-il aller vers une sortie de l'UE, un "Frexit" comme disent les anglo-saxons, comme le réclame une partie de la gauche radicale? Interrogé sur ce point - et sur d'autres thèmes - par le Bondy Blog (cf vidéo ci-dessus), l'ancien ministre de l'Éducation nationale n'envisage pas cette piste car ce serait mettre la France en position de "nain" face aux États-Unis et à la Chine. Or, la France a un atout qu'elle utilise de manière biaisée, la francophonie. Je dis de manière biaisée car elle pompe un maximum au niveau des structures économiques et monétaires la plupart de ses anciennes colonies, les maintenant quelque part dans une trappe à pauvreté. C'est ce qu'est la Françafrique depuis les années 1960, même si la forme d'expression tend à changer, selon plusieurs chercheurs ces dernières années.
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