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JoSeseSeko

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"Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont." Cette phrase résume une recherche de vérité, de développer de l'information sur une variété de sujets, notamment l'économie, la politique et l'histoire. Et ce, dans plusieurs pays du monde.


Napoléon ou l'anti-France glorifiée

Publié par JoSeseSeko sur 5 Mai 2021, 10:00am

Catégories : #Histoire, #Napoléon Bonaparte, #Empire, #Révolution Française, #Racisme, #Esclavage, #Capitalisme, #Économie

Photo: Flickr/foundin_a_attic

Photo: Flickr/foundin_a_attic

200 ans après sa mort, Napoléon Bonaparte bénéficie toujours d'une légende dorée sidérante dans une République française qu'il a mise dans le coma et liquidant l'héritage de la Révolution française sous divers angles que certains français devraient choquer s'ils n'étaient pas aussi aliénés.

"Je naquis quand la patrie [la Corse] périssait. 30.000 Français, vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans des flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards. Les cris du mourant, les gémissements de l’opprimé, les larmes du désespoir environnèrent mon berceau dès ma naissance. Vous quittâtes notre île, et avec vous disparut l’espérance du bonheur ; l’esclavage fut le prix de notre soumission : accablés sous la triple chaîne du soldat, du légiste et du percepteur d’impôts, nos compatriotes vivent méprisés…" Ceci pourrait être le propos d'un indigéniste, d'un racialiste, d'un séparatiste, d'un islamo-gauchiste ou de toute autre personne qui, aux yeux de la droite et de l'extrême-droite, serait un(e) ennemi(e) de la France, mais un certain... Napoleone Buonaparte - pardon, Napoléon Bonaparte -, le totem de la droite française, dans le début de sa lettre à Pascal Paoli, le 12 juin 1789 (cf lien n°1), dont la mort eut lieu le 5 mai 1821, soit il y a 200 ans.

Le César tricolore

Il est assez notable de voir combien des esprits se montrent plein de mansuétude à l'égard d'un personnage qui a un parcours de ravageur, mais avec un génie militaire qui en fait l'égal d'un Alexandre, d'un César "tricolore". D'ailleurs, pour le côté positif de Napoléon, c'est quand même un stratège hors pair qui a été un grand gagneur de batailles. Les campagnes d'Italie (1796-1797) et d'Allemagne (1806) sont parmi les plus réussies dans l'histoire militaire mondiale, avec des batailles comme Lodi, Arcole, Rivoli ou Iéna, issues de ces campagnes-là.

Et comme tout César qui se respecte, Napoléon veillait à écrire lui-même sa vision des choses, sa légende. Le Courrier de l'armée d'Italie était rédigé par ses soins, saisissant bien l'enjeu de la diffusion de la presse en France. Il refit la même chose lors de la campagne d'Égypte, qui était par contre un demi-échec militaire, avec une ombre de crime de guerre à Jaffa et surtout une désertion de son poste de général en chef pour revenir en France prendre le pouvoir. Et une fois au pouvoir, lors du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), il musela la presse pour qu'elle fusse à son service exclusif. Pour preuve, 73 journaux existaient à Paris au moment de brumaire. 11 restèrent en janvier 1800 pour finalement passer à quatre journaux dans la capitale à partir de 1811, en raison d'une censure de plus en plus vive. Déjà, présenter Napoléon comme un continuateur de la Révolution, sur ce point-là, c'est trafiquer la vérité historique.

Sans oublier, du point de vue politique, la liquidation des néo-jacobins en les accusant, à tort, de l'attentat royaliste de la rue Saint-Nicaise du 24 décembre 1800, à travers des peines de morts (peloton d'exécution, guillotine) ou des déportations. Ce qui fait que, quelque part, Napoléon fut un idiot utile pour les Bourbons quand ces derniers furent remis au pouvoir par les coalisés et profitant de la lassitude générale que suscita Napoléon en France, à partir de 1814-1815.

Capitalisme et négrophobie

L'influence de la dictature de Napoléon, jusqu'à aujourd'hui, est inscrite dans la pierre, et pas seulement à travers des noms de rue ou des statues à son nom ou évoquant plusieurs de ses victoires. Elle l'est à travers des institutions toujours présentes gardant comme principe de faire de l'administration un serviteur zélé du Capital. Prenons par exemple le Code civil, la Cour des comptes et la Banque de France. Le Code civil, appelé Code Napoléon, bien qu'il participa minoritairement à la rédaction du Code civil, laissant faire Jean-Jacques de Cambacérès en grande partie, est présenté comme un syncrétisme de l'évolution juridique opérée par la Révolution française, en raison d'un travail commencé à partir de 1793 et finalement terminé en 1804, mais en gardant principalement les acquis de la période 1789-1791, consacrant donc la bourgeoisie. D'ailleurs, dans la version originale du Code civil figurait l'article 1781 qui sacralisait la parole du patron, de l'exploiteur, contre celle du salarié, de l'exploité en cas de litige judiciaire. Encore heureux que cet article a été supprimé sous la fin du Second Empire, permettant de rappeler que Napoléon III avait des différences avec son oncle. La Cour des comptes, chargée de veiller sur les deniers publics, continue de donner une vision de l'État comme d'un monstre dispendieux, appelant régulièrement à des coupes budgétaires, même si ces derniers temps, elle pointa du doigt le dépeçage opéré dans le monde hospitalier, aggravant la crise sanitaire que nous connaissons actuellement. Enfin, la Banque de France était, à son origine (1800) une banque strictement privée, qui ne fut nationalisée qu'en 1946, sollicitant l'argent public pour le complément de sa sureté et obtenant la capacité de battre monnaie avec le Franc germinal de 1803. Une manière pour Napoleone Buonaparte de remercier les capitalistes, les financiers qui lui permirent d'accéder au pouvoir en 1799, sachant que certains capitaux originaux de la Banque de France étaient issus de l'esclavage négrier (cf lien n°2).

Justement, l'esclavage négrier, qui fut aboli par les Jacobins en 1794, Napoléon le rétablit le 20 mai 1802, histoire de satisfaire encore plus les financiers esclavagistes thermidoriens déjà à ses côtés et rallier à lui des anciens royalistes profondément esclavagistes et négrophobes. À ce propos, une phrase de lui résume les choses: "Je suis pour les blancs parce que je suis blanc. Je n'en ai pas d'autre raison, et celle-ci et la bonne. Comment a-t-on pu accorder la liberté à des Africains, à des hommes qui n’avaient aucune civilisation, qui ne savaient pas seulement […] ce qu’était la France ?". Ne faisant pas les choses à moitié, il avait préparé le terrain à peine après le Coup d'État du 18 brumaire en inscrivant dans la Constitution de l'an VIII un régime de droit spécial dans les colonies françaises, renforçant le pouvoir du gouverneur. Ce dont voulut en profiter Toussaint Louverture à Saint-Domingue avec sa Constitution autonomiste de 1801, poussant Bonaparte à faire une guerre coloniale dans les Caraïbes peu avant la paix d'Amiens avec l'Angleterre (mars 1802). Puis, en rétablissant l'esclavage, il chassa de l'armée tous les officiers non-blancs, dont le général Thomas-Alexandre Dumas, fils de noble et d'esclave et père de l'écrivain Alexandre Dumas ou les envoya se faire tuer à Saint-Domingue, histoire de liquider la diversité de l'armée républicaine, établie durant la Révolution. De quoi être profondément critique envers Napoléon outre-mer (cf lien n°3). Mais les outre-mer ne comptent guère pour les nombrilistes hexagonaux.

Guerre offensive usante

Au niveau militaire, la France a été continuellement en guerre de 1792 à 1814. Soit 22 ans, dont 15 sous la direction de Napoléon. Et les personnes citant la paix d'Amiens, qui offrit une trêve générale en Europe, oublient volontiers les guerres coloniales offensives décidées par Bonaparte envers la Guadeloupe et Saint-Domingue, pour permettre le rétablissement de l'esclavage. Si la Guadeloupe fut soumise, malgré la résistance du capitaine Louis Delgrès ou de Solitude, la réaction de Saint-Domingue fut la guerre d'indépendance, obtenue après la victoire sur les troupes françaises à Vertières, le 18 novembre 1803, et la proclamation de la république d'Haïti le 1er janvier 1804. Ce qui permet d'indiquer que les premiers à avoir vaincu la France napoléonienne sont des anciens esclaves noirs.

Alors, quand on raconte que Napoléon menait des guerres dites défensives (cf lien n°4), c'est vraiment penser la morale suivante: "Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont". Et il est de bon ton de rejeter la faute sur l'Angleterre, qui n'a jamais supporté, il est vrai, les prétentions françaises depuis 1789 et voyant - à tort - Napoléon comme un héritier de la Révolution. Et pourtant, ce n'est pas la faute de l'Angleterre si Napoléon s'en prit à ses alliés Espagnols puis Russes dans les campagnes décimant des dizaines, voire des centaines de milliers de français, au point qu'il fut contraint d'appeler aux fils de bonne famille (noblesse, bourgeoisie) d'aller véritablement au combat et de ne plus éviter la conscription à travers le remplacement militaire, qui permettait à partir de 1802 à un jeune noble ou bourgeois d'éviter le service militaire - 10 ans en temps de paix, illimité en temps de guerre - et de payer un fils de paysan pour qu'il aille se faire tuer.

Et c'est là où, à sa décharge, il ne put pas compter sur une marine puissante. Déjà, tout au long du XVIIIe siècle, la marine française restait sur une constante en nombre de marins - à peine plus de 50.000 -, alors que la population française passa de 21 millions en 1700 à 28 millions en 1789 et que la marine anglaise comptait plus du double de sa rivale française. Ce qui rendit encore plus prévisible les désastres maritimes d'Aboukir ou de Trafalgar, obligeant Napoléon à organiser le Blocus continental, dont l'échec économique et politique fut patent, avec les campagnes d'Espagne et de Russie. Néanmoins, trop confiant envers l'arsenal militaire français, Napoléon négligea les innovations dans ce domaine, notamment pour le tir au fusil, où les anglais apportèrent des modifications rendant leurs armes plus efficaces à plus longue portée que les fusils français, expliquant en partie la défaite de Waterloo, le 18 juin 1815, même s'il faut ajouter un choix de maréchaux pour le moins bancal, étant donné que Jean-de-Dieu Soult et Michel Ney se détestaient depuis la campagne d'Espagne et que Napoléon n'eut pas tenu compte de leurs remarques sur les capacités des troupes anglaises de Wellington.

Vous l'aurez compris, chers lecteurs et chères lectrices, ce n'est pas un billet flatteur pour Napoléon. Mais c'est une vérité historique qu'il faut regarder en face envers cet anti-républicain notoire qui ne serait pas ce qu'il est devenu si la Révolution n'avait pas existé et s'il ne s'était pas appuyé également sur un Paul Barras au début de sa carrière militaire, puis sur les financiers pour arriver au pouvoir. Et quelque part, le meilleur hommage rendu à Napoléon fut celui organisé par la Commune de Paris, il y a 150 ans, en détruisant la colonne Vendôme sur la place éponyme, ainsi que la statue de Napoléon qui figurait en son sommet. De quoi être raccord avec le communard Eugène Pottier et ces vers suivants issus de sa chanson la plus célèbre, l'Internationale: "Du passé, faisons table rase/Foule esclave, debout, debout/Le monde va changer de base/Nous ne sommes rien, soyons tout".

 

P.S: Allez regarder les archives de la Radio télévision suisse (RTS), vous tomberez sur l'historien français Henri Guillemin avec une série de 17 vidéos (initialement 18 mais une vidéo a disparu) sur Napoléon en 1967-1968, où il se montre bien critique envers l'ex-empereur. Ce qui était bien rare à l'époque.

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